Aujourd’hui plus qu’encore, le rôle de l’artiste en tant que passeur, colporteur est essentiel. Dans un monde qui perd de son humanité, où la distanciation physique, sociale est la nouvelle norme, j’utilise l’outil photographique comme lien social.
Investir la rue, c’est ne pas laisser l’espace public au contrôle marchand ou à celui de la puissance publique qui sont largement dominants. C’est aller vers des publics non acquis, sortir de l’entre-soi afin de toucher des populations qui sont invisibilisées.
Le studio de rue est envisagé comme le lieu d’une construction collective de la photographie populaire. Il suscite par sa présence la possibilité d’une image et fait naître par la constitution d’un rituel, le désir d’un portrait unique dans lequel le modèle se met en scène.
Cet atelier mobile, capable de se déplacer vers son sujet, a pour objectif de créer l’événement. La boîte intrigue, c’est un outil fédérateur de rencontre qui permet d’établir une connexion spontanée. Le temps long de production de l’image est mis à profit pour tisser des liens, créer des espaces de dialogue et de partage d’expériences. C’est l’éloge de la lenteur ; le temps de la pensée et de la réflexion.
Cette technique permet de tenir compte de l’avant et de l’après du geste photographique.
Cette importance du temps, impliquée par l’utilisation du photo-ambulant est plus qu’une mécanique de production, il permet de saisir la temporalité d’une image – de constituer une durée plus spécifique que l’instant ou le présent habituellement capté par l’appareil photographique. Il inscrit non seulement dans l’image la durée du temps de pose, du développement mais ouvre également la durée à une expérience particulière – celle de la rencontre. Il capte, sans capturer, le moment vécu ensemble.